Suzanne Daumann
Die Frau
ohne Schatten, la femme sans ombre, c’est un conte de fées qui se déroule au
pays des rêves, plein de symboles et de signes. C’est l’histoire de deux
couples, de deux femmes surtout, qui doivent affronter des épreuves et
voyages : l’une pour sauver l’homme qu’elle aime, l’autre pour trouver le
chemin de sa vie. Dans sa mise en scène, Krzysztof Warlikowski prend le parti
d’interpréter les difficultés de ces femmes comme des maladies dites
hystériques : stérilité pour l’une, frigidité pour l’autre. Logiquement,
il peuple l’univers de l’opéra de personnel et matériel médical. C’est un parti
pris cohérent et honorable, basé sur l’univers intellectuel de l’époque de la
création de l’œuvre. Cependant, beaucoup de scènes laissent ainsi un sentiment
de manque, souvent la scénographie de Malgorzata Szczesniak semble arbitraire,
incohérente et l’on n’arrive pas à saisir une ambiance de fond. Barak est
devenu un simple patron de Lavomatic, alors qu’un teinturier est moitié
alchimiste. Cela fonctionne bien mieux dans les scènes dans lesquelles
l’élément du rêve a été réintroduit, quand des animaux peuplent la scène, quand
des belles installations vidéo donnent une impression de flou, de flottement,
en harmonie avec la musique. Kirill
Petrenko réussit une fois de plus la quadrature du cercle : sa direction
est dense, intense, tendue, tout en retrouvant, quand il faut, la tendre
souplesse viennoise que demande la musique de Strauss. Le Bayrische
Staatsorchester et ses solistes brillants lui font honneur, ainsi que l’excellente
distribution. Ricarda
Merbeth, soprano, est la femme sans ombre, la fée que l’Empereur a conquise
lorsqu’elle lui apparut sous la forme d’une gazelle blanche. L’Empereur est
interprété avec noblesse et humanité par
le ténor Robert Dean Smith, grande voix de Heldentenor. L’Impératrice aime son
époux, il partage sa couche toutes les nuits. Cependant, elle ne conçoit pas
son enfant, elle ne devient pas tout à fait humaine, elle n’a pas d’ombre. Or,
son père, le puissant et invisible Keikobad, a stipulé que, si elle n’est pas
enceinte au bout de dix mois, l’Empereur se transformera en pierre. Sa
nourrice, interprétée par la fabuleuse mezzo Deborah Polaski, l’emmène alors au
pays des humains, où elle connaît une femme qui pourrait lui céder son ombre.
C’est de la femme du teinturier Barak qu’il s’agit. La soprano Elena Pankratova
lui donne vie et sa voix splendide, agile ; elle saisit toutes les
facettes de ce personnage particulièrement humain, cette femme à la recherche
du sens de sa vie, de son mariage. Barak, son mari, est interprété par Wolfgang
Koch, baryton-basse. Avec sa chaude voix de velours, il donne une profondeur
intelligente à la tendresse humble de cet homme. Après maintes épreuves, les
deux femmes trouvent le salut dans le renoncement à leurs desseins égoïstes et
tout se termine bien. Applaudissements et bravos bien mérités pour tous !
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