Suzanne Daumann
Alors que le monde musical lorgne du côté de Puccini, et du nouveau CD d’un
munichois, un autre fils de cette même bonne ville, le ténor Werner Güra, a
tranquillement sorti un petit bijou dédié à Beethoven. Intelligemment construit, mettant en relief les différentes époques de
l’œuvre du compositeur, et laissant la parole aussi au piano solo, ce CD forme
une vraie entité. Cela commence et finit par deux versions d’un même texte,
« An die Hoffnung » par Christoph August Tiedge, dont la première
date de 1804 ou 1805, et la seconde de 1815.
Passant par les incontournables
du lied beethovenien, « An die ferne Geliebte » et
« Adelaide », ainsi que quelques bijoux moins connus, les artistes
présentent une dramaturgie qui va de l’espoir juvénile et optimiste par tous
les sentiments amoureux et les joies de la mélancolie et la résignation jusqu’à
l’espoir malgré soi, comme une petite lumière dans la nuit du désespoir. Werner Güra, avec sa voix chaleureuse et dorée, au timbre tellement naturel
qu’on en oublie presque sa parfaite maîtrise de la technique, fait comme
toujours sien chaque texte et sa composition. Ainsi nous entendons chaque lied
comme pour la première fois. Que ce soit « An die Hoffnung », op 32,
ou « Lied aus der Ferne » avec leur optimisme juvénile, le jubilant
« Adelaide » et le très tendre « Zärtliche Liebe » - un
vrai tube, celui-ci – ou encore « Der Kuss », un peu plus léger voire
ironique, chaque morceau est un événement à lui seul. Entre les lieder,
Christoph Berner interprète les Bagatelles op. 126, dans le désordre, dans un
nouvel ordre en fait, qui lui permet de souligner certains lieder, le n° 1
devient ainsi un postlude à « Zärtliche Liebe » et introduit en même
temps « An die ferne Geliebte ». Avec leur soin habituel, les deux artistes ont choisi l’instrument qui
convient à leur compositeur : Christoph Berner joue sur un forte-piano de
1847 dont le son correspond à merveille. Jouées avec sobriété, les Bagatelles
donnent une dimension supplémentaire à cet enregistrement. Une affaire rondement menée : le dernier « Oh Hoffnung… »,
infiniment touchant, rappelant de loin un autre lied sur le thème de l’espoir
par Hugo Wolf, mais aussi un épisode chez Thomas Mann, donne envie de
réentendre la première composition du même texte, et, tant qu’à faire, le CD
entier. Si bien qu’on ne s’en lasse pas.
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