C’est la saison de Noël, c’est
la saison des gourmandises : cette nouvelle production est un délice. Un
peu comme on a pu le voir récemment dans « Les Deux Veuves » de
Smetana (production de Anger Nantes Opéra également), un compositeur étranger
s’empare d’une comédie française, y ajoute ses arômes nationaux et le résultat
est délicieux : croustillant, piquant et doux à la fois. Les défis sont
nombreux dans cette œuvre : la musique de Nino Rota (1911 – 1979), pleine
d’entrain, très divertissante, appartient en même temps au XXème siècle et aux
traditions de l’opéra italien. Elle utilise un bel canto auto ironique, qui ne
perd rien de son charme pour autant. Pour
qu’une comédie fonctionne, le tempo est essentiel, et cette musique avance à un
tempo à perdre l’haleine. L’Orchestre National des Pays de la Loire, sous la
baguette de Giuseppe Grazioli, tient
ce tempo tout en mettant en relief les
détails charmants et drôles de la partition, et les chanteurs tiennent
parfaitement sur la corde raide entre ironie et sentiment. La mise en scène (Patrice Caurier et Moshe Leiser) situe
l’action dans l’époque de son origine, les années 1850 donc. De nos jours, il
faut saluer le courage de présenter une mise en scène, des décors et costumes
qui n’ont d’autre prétention que de servir l’œuvre. Christian Fenouillat a
ce courage: intérieurs bourgeois tout biedermeier, une place de Paris plus
parisienne que Paris, et un atelier de chapelier plein de boîtes différentes,
on dirait une maison de poupée, c’est très beau et cela suffit. Quant aux
costumes, maquillages et coiffures d’Agostino
Cavalca, ils sont dans la même veine :
crinolines, chapeaux haut de forme, redingotes… Mais, mais, mais – ses
personnages ne sont pas tout à fait dignifiés. Chacun porte un petit faux nez
retroussé, un peu absurde, un peu touchant, et ces messieurs doublent
d’importance à force de coussins et faux culs. En plus de costumes et nez absurdes, toute la
distribution dispose d’un dynamisme dramatique et musical à toute épreuve. Philippe
Talbot, ténor, campe un Fadinard admirable. En plus d’un timbre clair,
généreux et ample, que l’on voudrait aussi entendre dans Rossini, Donizetti ou
Offenbach, il dispose du sens de la comédie, il prend des coups, s’étale par
terre, se relève, chante vite fait un duo d’amour et continue sa quête du
chapeau de paille… Fadinard, donc, est
sur le point de se marier. L’oncle de la mariée, Vézinet (Beau Palmer, dont le comique fait presque oublier sa chaude voix de
baryton) apporte en cadeau pour celle-ci un chapeau de paille d’Italie. Le
domestique le range dans la chambre, et de ce petit geste met la mécanique en
route. Fadinard rentre et raconte à l’oncle comment son cheval a mangé le
chapeau d’une dame, ce qui lui a attiré les ires de ladite dame et son
cavalier. Arrivent justement ces deux-là, très en colère, car, sans son
chapeau, elle ne peut pas retourner chez elle, son mari la soupçonnerait
d’avoir un amant. Fandinard envoie son domestique acheter un nouveau chapeau.
Les amants se cachent, car maintenant arrive la mariée, Elena, interprétée par Hendrickje van Kerckhove, soprano au
timbre argentin et innocent, véritable héroïne d’opéra italien. Elle est
suspendue au bras de son père, le redoutable Nonancourt, qui déclare toutes les
cinq minutes que tout est fini. Peter
Kalman, baryton lisse et puissant, le chante avec autorité et un peu de
ridicule. Ils sont suivis du cortège d’invités qui va semer la pagaille tout au
long de l’histoire. Lorsque le
domestique revient bredouille, l’irascible Emilio, l’amant de la dame au
chapeau, menace Fadinard de l’appeler au duel, et/ou de saccager l’appartement.
Fadinard part alors lui-même à la poursuite de ce maudit chapeau. Chez la modiste, il apprend qu’elle vient d’un
vendre un semblable à la Baronne de Champigny.
Fadinard se rend chez celle-ci. La Baronne de Champigny prépare un dîner pour honorer le célèbre violoniste Minardi. Elena Zilio, mezzo-soprano et grande dame à la voix profonde et riche, incarne cette groupie de l’Italie et ses artistes avec verve et un zeste de compassion. On soupire avec elle « ah oui, Florence, son soleil, ses chapeaux », et l’on se dit en riant « tiens, on se moquait de la ménagère de 45 à 55 ans déjà du temps de Labiche », mais avant de pouvoir y réfléchir, le joyeux cortège de Fadinard, mené par Nonancourt, est arrivé chez la Baronne, et y sème la confusion, tandis que Fadinard court chez Beaupertuis. Le vieux bonhomme (Claudio Otelli) prend un bain de pieds et se lamente de l’absence de sa femme. Celle-ci est sortie ce matin, pour aller chez sa cousine, et n’est toujours pas de retour. Fadinard n’a rien à faire de la femme de Beaupertuis, il a besoin d’un chapeau de paille, et il le veut maintenant, et que ça saute ! Pas de chapeau chez Beaupertuis non plus, en revanche une joyeuse compagnie de noces, qui, sous l’influence du champagne de la Baronne de Champigny, prend la maison de Beaupertuis pour celle de Fadinard, et entreprend de mettre la mariée dans son lit nuptial. Et l’on s’amuse des frasques de Nonancourt et Beaupertuis, qui s’échangent leurs chaussures, et l’on plaint un peu la petite vierge dans son trouble face aux devoirs conjugaux (tiens, encore une histoire de pied ?). Cependant Beaupertuis vient de comprendre que la femme sans chapeau dont lui parle Fadinard, n’est autre que sa propre épouse. Il jure de la tuer et part en courant, Fadinard à ses trousses qui veut empêcher le pire. La noce se perd dans les rues de Paris, se fait arrêter par la police, Beaupertuis est sur le point de tuer sa femme, tout semble perdu… Mais abracadabra : l’oncle Vézinet retrouve son chapeau, Fadinard en coiffe la femme de Beaupertuis, celui-ci doit comprendre qu’elle lui a été toujours fidèle. Et tout rentre dans l’ordre : Beaupertuis emmène sa femme, qui fait un dernier adieu à son amant et l’on se demande en passant ce qui va en advenir de ceux-là. Et voici le vrai happy-end : Fadinard remercie et congédie la compagnie de noces, lui et Elena peuvent enfin goûter aux plaisirs de l’amour. Le rideau descend sur une jolie silhouette : on voit les amoureux dans une fenêtre éclairée, et on leur souhaite leur lit aussi chaud et doux que cette lumière (lumières : Christophe Forey) et que la valse lente qui conclut l’opéra. Délectable soirée donc et en sortant, l’on se réjouit de la présence des nombreux collégiens, visiblement excités et enthousiastes. Mais oui, cette pièce a tant de niveaux de lecture, ils auront certainement trouvé le leur. On a le sens du partage, ici à Angers !
Fadinard se rend chez celle-ci. La Baronne de Champigny prépare un dîner pour honorer le célèbre violoniste Minardi. Elena Zilio, mezzo-soprano et grande dame à la voix profonde et riche, incarne cette groupie de l’Italie et ses artistes avec verve et un zeste de compassion. On soupire avec elle « ah oui, Florence, son soleil, ses chapeaux », et l’on se dit en riant « tiens, on se moquait de la ménagère de 45 à 55 ans déjà du temps de Labiche », mais avant de pouvoir y réfléchir, le joyeux cortège de Fadinard, mené par Nonancourt, est arrivé chez la Baronne, et y sème la confusion, tandis que Fadinard court chez Beaupertuis. Le vieux bonhomme (Claudio Otelli) prend un bain de pieds et se lamente de l’absence de sa femme. Celle-ci est sortie ce matin, pour aller chez sa cousine, et n’est toujours pas de retour. Fadinard n’a rien à faire de la femme de Beaupertuis, il a besoin d’un chapeau de paille, et il le veut maintenant, et que ça saute ! Pas de chapeau chez Beaupertuis non plus, en revanche une joyeuse compagnie de noces, qui, sous l’influence du champagne de la Baronne de Champigny, prend la maison de Beaupertuis pour celle de Fadinard, et entreprend de mettre la mariée dans son lit nuptial. Et l’on s’amuse des frasques de Nonancourt et Beaupertuis, qui s’échangent leurs chaussures, et l’on plaint un peu la petite vierge dans son trouble face aux devoirs conjugaux (tiens, encore une histoire de pied ?). Cependant Beaupertuis vient de comprendre que la femme sans chapeau dont lui parle Fadinard, n’est autre que sa propre épouse. Il jure de la tuer et part en courant, Fadinard à ses trousses qui veut empêcher le pire. La noce se perd dans les rues de Paris, se fait arrêter par la police, Beaupertuis est sur le point de tuer sa femme, tout semble perdu… Mais abracadabra : l’oncle Vézinet retrouve son chapeau, Fadinard en coiffe la femme de Beaupertuis, celui-ci doit comprendre qu’elle lui a été toujours fidèle. Et tout rentre dans l’ordre : Beaupertuis emmène sa femme, qui fait un dernier adieu à son amant et l’on se demande en passant ce qui va en advenir de ceux-là. Et voici le vrai happy-end : Fadinard remercie et congédie la compagnie de noces, lui et Elena peuvent enfin goûter aux plaisirs de l’amour. Le rideau descend sur une jolie silhouette : on voit les amoureux dans une fenêtre éclairée, et on leur souhaite leur lit aussi chaud et doux que cette lumière (lumières : Christophe Forey) et que la valse lente qui conclut l’opéra. Délectable soirée donc et en sortant, l’on se réjouit de la présence des nombreux collégiens, visiblement excités et enthousiastes. Mais oui, cette pièce a tant de niveaux de lecture, ils auront certainement trouvé le leur. On a le sens du partage, ici à Angers !
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