Foto: ©Elisabeth Carecchio
Suzanne Daumann
C’est Paris qui se chante dans cette œuvre de Reynaldo Hahn (1874 – 1947),
Paris dans ses facettes les plus emblématiques : l’amour et la nostalgie.
Ici, l’amour de la nostalgie danse avec la nostalgie de l’amour. Ou bien est-ce
le Tout-Paris qui se fête ? Le Tout-Paris d’aujourd’hui fête celui du
passé ? Nous sommes en 2013, la pièce date de 1923 et se déroule en 1867…
Les décors de Bernard Fau et Citronelle Dufay contribuent efficacement à la construction
d’une ambiance nostalgique : arrière-plans basés sur photos de l’époque –
on voit les Halles, des maisons à colombages, des champs, un moulin, autant de
symboles d’un passé idéalisé. Heureusement, le retour en arrière s’arrête là, freiné par la direction
d’orchestre de Laurence Equilbey.
Aucune trace de sentimentalité dans sa musique : si la pièce et la mise en
scène semblent fêter la nostalgie, la présence lumineuse du chef nous ancre
dans le présent, entraîne l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon dans une
joie contagieuse, illumine tous les charmes et les tendresses de la partition. La pièce conte les amours entre une
jolie maraîchère de la banlieue parisienne et un bourgeois désillusionné. Une
ronde de personnages drôles et touchants les accompagne à travers leur
histoire : Julie Fuchs, avec sa
voix de soprano chaude et agile, incarne l’enfant de la banlieue campagnarde
tout en innocence sensuelle. Son amoureux, Antonin, est incarné par Julien Behr, ténor, tendre et émouvant. Ils
ont un ami bienveillant, un homme mur, nostalgique de son amour sous les
combles de Paris, Duparquet, interprété avec beaucoup de charme et nostalgie
par Jean-François Lapointe, baryton
au timbre sensible et riche. Avant de rencontrer Antonin, Ciboulette avait huit
fiancés, qui se présentent en pantalons écossais et fracs bariolés (une
merveille, les costumes de David Belugou)
pour danser une danse de pantins, avant d’être congédiés par la Belle. Il y a
aussi Zénobie, ancienne maîtresse d’Antonin, Eva Ganizate, soprano, l’oncle et la tante de Ciboulette, Guillemette Laurens et Jean-Claude Sarragosse – tous
merveilleux par leur jeu et leur chant. La Comtesse de Castiglione de Michel Fau qui signe aussi la mise en
scène est si sensationnelle qu’elle menace de voler la scène aux protagonistes
légitimes. Il faut la verve et la présence d’une Julie Fuchs pour la
reconquérir. Belle soirée toute parisienne, donc. « C’est pas l’chagrin, c’est sa banlieue… » Nostalgie, quand tu
nous tiens !
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