Monday, March 4, 2013

Si Paris m’était chanté – Ciboulette de Reynaldo Hahn à l’Opéra Comique

Foto: ©Elisabeth Carecchio
 
Suzanne Daumann
 
C’est Paris qui se chante dans cette œuvre de Reynaldo Hahn (1874 – 1947), Paris dans ses facettes les plus emblématiques : l’amour et la nostalgie. Ici, l’amour de la nostalgie danse avec la nostalgie de l’amour. Ou bien est-ce le Tout-Paris qui se fête ? Le Tout-Paris d’aujourd’hui fête celui du passé ? Nous sommes en 2013, la pièce date de 1923 et se déroule en 1867… Les décors de Bernard Fau et Citronelle Dufay  contribuent efficacement à la construction d’une ambiance nostalgique : arrière-plans basés sur photos de l’époque – on voit les Halles, des maisons à colombages, des champs, un moulin, autant de symboles d’un passé idéalisé.  Heureusement, le retour en arrière s’arrête là, freiné par la direction d’orchestre de Laurence Equilbey. Aucune trace de sentimentalité dans sa musique : si la pièce et la mise en scène semblent fêter la nostalgie, la présence lumineuse du chef nous ancre dans le présent, entraîne l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon dans une joie contagieuse, illumine tous les charmes et les tendresses de la partition.  La pièce conte les amours entre une jolie maraîchère de la banlieue parisienne et un bourgeois désillusionné. Une ronde de personnages drôles et touchants les accompagne à travers leur histoire : Julie Fuchs, avec sa voix de soprano chaude et agile, incarne l’enfant de la banlieue campagnarde tout en innocence sensuelle. Son amoureux, Antonin, est incarné par Julien Behr, ténor, tendre et émouvant. Ils ont un ami bienveillant, un homme mur, nostalgique de son amour sous les combles de Paris, Duparquet, interprété avec beaucoup de charme et nostalgie par Jean-François Lapointe, baryton au timbre sensible et riche. Avant de rencontrer Antonin, Ciboulette avait huit fiancés, qui se présentent en pantalons écossais et fracs bariolés (une merveille, les costumes de David Belugou) pour danser une danse de pantins, avant d’être congédiés par la Belle. Il y a aussi Zénobie, ancienne maîtresse d’Antonin, Eva Ganizate, soprano, l’oncle et la tante de Ciboulette, Guillemette Laurens et Jean-Claude Sarragosse – tous merveilleux par leur jeu et leur chant. La Comtesse de Castiglione de Michel Fau qui signe aussi la mise en scène est si sensationnelle qu’elle menace de voler la scène aux protagonistes légitimes. Il faut la verve et la présence d’une Julie Fuchs pour la reconquérir.  Belle soirée toute parisienne, donc.  « C’est pas l’chagrin, c’est sa banlieue… » Nostalgie, quand tu nous tiens !

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