Foto: Jef Rabillon
Suzanne Daumann
Ce soir, la Cathédrale Saint Pierre de Rennes résonne d’histoires et
d’Histoire. L’Opéra de Rennes commence la saison avec une production
d’Angers-Nantes Opéra, une version mise en scène de trois oratorios sacrés
baroques, Jonas et Jephté de Giacomo Carissimi, et Le Reniement de Saint-Pierre de
Marc-Antoine Charpentier. La mise en scène de Christian Gagneron se contente de traduire le contenu
des textes en mouvements de scène et d’habiller les chanteurs selon leurs rôles
respectifs. Les narrateurs portent des costumes contemporains, les
protagonistes sont vêtus de manière contemporaine à la musique. Les couleurs
chatoyantes, étoffes plus ou moins scintillantes, armures et toges qu’a trouvés
Claude Masson, renforcent le côté théâtral de cette musique, rappelant sa
fonction historique. Ainsi, assis dans la cathédrale résonnante, et où il ne
fait pas très chaud, sur des chaises pas très confortables, au cœur de la cité historique,
l’on peut imaginer un peu le public de l’époque, émerveillé et impressionné par
cette musique qui semble venir droit du ciel. Le lumineux ensemble Stradivaria, dirigé par Bertrand Cuiller, assure la
partie instrumentale avec chaleur et discrétion, soutient les chanteurs et
brille dans un intermède instrumental de Charpentier, le très profond In Nativitatem Domini Canticum :
Nuit ainsi que son Ouverture
des Plaisirs de Versailles. Le Chœur d’Angers-Nantes Opéra peut montrer ici toutes ses finesses et
l’excellence de ses voix. Seulement trois solistes extérieurs interviennent au
cours de la soirée. Le grand ténor Hervé
Lamy prête sa voix à Jonas et Jephté. Timbre clair et naturel, parfaite
maîtrise du chant baroque, il sait habiter ses personnages et donner du sens
aux textes en latin. La soprano Hadhoum
Tunc lui donne la réplique dans Jephté. Avec sa voix ample, ronde, chaude
et claire, elle incarne avec beaucoup de sensibilité la jeune fille, victime
innocente d’une parole trop rapide qui déclenche une vraie tragédie. Le ténor Francisco Fernández-Rueda, finalement,
incarne Saint Pierre dans la pièce de Charpentier, et chante le solo dans le Salve Regina d’André Campra. Voix
lumineuse et forte présence scénique font de lui un apôtre reniant convaincant
et donnent profondeur et lyrisme au Salve
Regina. Une très belle soirée avec une production à laquelle il faut souhaiter
beaucoup de reprises encore.
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