Wednesday, August 19, 2015

Le Nozze di Figaro au Festival de Salzbourg

© Salzburger Festspiele / Ruth Walz

Suzanne Daumann

Il faut saluer le courage de Sven-Eric Bechtolf de mettre en scène de nos jours un opéra sans violence gratuite, sans nudité, strip-tease, et scènes explicites, costumes grotesques et tutti quanti. Sa vision des Nozze di Figaro pour la nouvelle production du Festival de Salzbourg est celle d’une comédie de salon selon les règles de l’art : des portes qui s’ouvrent, qui claquent, se ferment ; des personnages qui s’espionnent, se méprennent, se confondent… C’est léger et amusant, sans être superficiel, avec des personnages  dessinés en profondeur. Le choix de situer la pièce dans les années 30 reste pourtant  incompréhensible, car rien dans la mise en scène ne parle des événements politiques de l’époque et elle aurait fonctionné aussi bien au 18ème siècle. Les décors somptueux d’Alex Eales sont pleins de détails adorables qui donnent l’impression d’une vraie maison habité par de vrais gens. Il faut aussi citer les magnifiques lumières de Friedrich Rom, et les costumes élégants et variés de Mark Bouman. La scénographie fait penser à une maison de poupée : à l’Acte I, l’on voit une coupe à travers la maison, avec au centre la chambre nuptiale de Susanna et de Figaro, à sa gauche le dressing du Comte, à leur droite, la salle de bains de la Comtesse, au-dessus, le couloir et une chambre, et puis l’escalier en arrière-plan. Tout au long de cet Acte I, des personnages font toute sorte de choses un peu partout, alors qu’elles ne sont pas en scène normalement. L’idée en est, sans doute, de montrer les actions secrètes qui initient l’intrigue : Basilio espionne, Figaro écrit une lettre, la Comtesse se languit… Il est certes amusant de voir le Comte changer de costume trois fois de suite, de le voir mettre la laisse à son chien pour une promenade, et c’est encore plus amusant quand on sait que ce chien est en réalité le propre chien de Luca Pisaroni, qui interprète le comte Almaviva. Cependant, l’attention du spectateur est détournée de l’action centrale et l’on peut se demander si ce n’est pas aussi l’attention du chef d’orchestre qui est un peu détournée, car musicalement, cet Acte I avance un peu cahin-caha, sans trouver une vraie unité entre chant et orchestre, avec des tempi parfois un tantinet incertains. Heureusement, à partir de l’Acte II, les multiples scènes d’ensemble remplacent les actions d’arrière-plan et la direction d’orchestre s’en retrouve resserrée. Dan Ettinger ne rend pas vraiment justice à cet orchestre merveilleux que sont les Wiener Symphoniker, une direction souvent banale, sans apport énergétique. Seulement parfois, lors du finale de l’Acte II par exemple, avec un accelerando des plus finement dramatiques, et lors de l’accompagnement de certains airs, l’on peut prendre toute la mesure de ces musiciens. Bien que le chef accompagne au forte-piano les récitatifs secs, ceux-ci semblent parfois bâclés. La distribution est excellente jusqu’au bout : Luca Pisaroni est donc Almaviva. Doué d’une présence scénique et d’une énergie formidable, et d’une voix qui, pour avoir perdu un peu de son velours juvénile a gagné en puissance et en feu, il campe un Almaviva profondément humain. C’est un personnage aux émotions changeantes, entre fureur plus ou moins retenue, élans amoureux vers Susanna, efforts de retrouver l’affection de sa femme, un peu vaniteux, un peu ridicule. Pisaroni sait exprimer toutes ces facettes. Il chante l’air de l’Acte III, Vedrò mentr’io sospiro, avec une rare intensité, son Contessa, perdono est déchirant de simplicité et dans ces moments, son personnage n’a plus rien de ridicule. Annett Fritsch lui donne la réplique dans le rôle de la Comtesse Almaviva. Voix de soprano agile et ample, très émouvante dans son air Dove sono, elle aussi est convaincante, et l’on souhaiterait à ce couple de surmonter sa crise. La fin, hélas, ne présage rien de tel. Détail plaisant de cette mise en scène, le chœur final Questo giorno di tormento, ne s’adresse pas au public : les protagonistes font la fête entre eux, et la Comtesse refuse le verre de réconciliation que le Comte lui propose. Dans son duo avec Susanna, toutes les deux sont merveilleuses de tendresse ironique. Martina Janková, soprano flûté et doux, est une Susanna comme il faut : espiègle, intelligente et vivace. Son Figaro est Adam Plachetka. Avec son baryton puissant et versatile, et sa présence scénique, il est un digne adversaire du Comte de Luca Pisaroni. Ann Murray est une Marcellina à toute épreuve - son adorable début d’ébriété au début de l’Acte IV n’est qu’un remplacement insuffisant de son air Il Capro e la Capretta, coupé une fois de plus, hélas. Tout aussi expérimenté et impeccable, Carlos Chausson dans le rôle de Bartolo. Parmi les rôles secondaires il faut citer particulièrement Christina Gansch dans la partie de Barbarina, et l’Antonio d’Ernest AnstineUne soirée mozartienne agréable somme toute – applaudissements amplement mérités.

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