Foto: Laurent Guizard / Opéra de Rennes
Suzanne Daumann
À l’Opéra de Rennes, décidément, on n’a pas peur des défis et un vrai souci
de la démocratisation de la musique. Si bien que l’on y présente l’œuvre
difficile de Francis Poulenc en version pour piano, une production qui tournera
ensuite en Bretagne. Et qui fonctionne à merveille ! Eric Chevalier signe une mise en scène austère, épurée : un carré noir
pour tout décor, un lit, quelques chaises, quelques accessoires simples
suffisent amplement. Ses costumes sont tout aussi simples, les filles portent
des habits différents, style années quarante, seuls leurs voiles les unissent
et les définissent comme religieuses. Des projections lumineuses légères, en
lignes claires et sobres, viennent parfois éclaircir les décors. L’argument à
été réduit à la vie au Carmel, la mort de la Prieure, incarnée avec conviction
et sobriété par Martine Surais, et le martyre des Carmélites. En venant ainsi à
l’essentiel, on comprend mieux la fascination de cette œuvre, si austère et peu
abordable : en suivant le chemin de Blanche de la Force, l’on peut se
confronter à ses propres questions et peurs. En ce moment, où l’on voit le
totalitarisme gagner du terrain partout, c’est peut-être plus actuel que
jamais… Gildas Pungier dirige le chœur de l’Opéra de Rennes, Colette Diard au
piano, et les excellentes solistes avec son énergie sensible habituelle. Sans
l’orchestre, les dialogues acquièrent une intimité terrible que la pianiste
accompagne avec beaucoup d’attention et sensibilité. Les voix jeunes et pures
de Blandine Arnould, dans le rôle de Blanche de la Force, et de Violaine le
Chenadec, dans celui de Sœur Constance, peuvent ainsi s’exprimer pianissimo
s’il le faut ; elles touchent au plus profond, et le public en retient son
souffle. Les réactions du public sont souvent un bon indicateur pour une
représentation bâclée, vide, routinière. À Rennes, ce soir, le public est
immobile, concentré, et suit attentivement la terrible histoire jusqu’au bout.
Lors du finale, un énergumène patibulaire, un croisement entre boucher et
voyou, entre en scène, et se tient devant les Carmélites. Elles le dépassent,
une par une, par petits groupes, pour sortir de scène. On entend alors à chaque
fois un grand bruit sec, le couperet. Sans l’orchestre, le Salve Regina des
religieuses, qui s’estompe petit à petit, est particulièrement poignant. Il
faut quelques secondes de silence profond, pour que puissent éclater les
applaudissements amplement mérités.
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