Foto: Felipe Sanguinetti / OP
Suzanne Dauman
La mise en scène de cette nouvelle production de l’Opéra
de Paris, signée Alvis Hermanis, est splendide à regarder, quoique quelque peu
surchargée. La projection vidéo, en arrière-plan et en très très grand,
d’images souvent somptueuses aurait suffi à souligner les propos du
réalisateur. Les propos du réalisateur ? L’idée de transposer la légende
de Faust dans notre temps et de comparer le personnage de Faust à Stephen
Hawking est intéressante, mais est-ce qu’elle fonctionne jusqu’au bout ?
Dans la légende, Faust, savant vieux et désabusé, veut retrouver jeunesse et
joie de vivre. Méphisto lui promet cela et l’emmène en voyage. Faust séduit l’innocente Marguerite,
et l’abandonne ensuite. Marguerite est poursuivie pour matricide. Faust donne
alors son âme pour lui sauver la sienne. Faust donc égal à Stephen Hawking, et
en quelque sorte l’humanité toute entière qui, ayant rendu quasi inhabitable sa
planète, envisage de coloniser Mars. Sa Marguerite ? Sa
condamnation ? Pas vues dans ce fatras de danses et projections vidéo.
Peut-être vaudrait-il mieux que les metteurs en scène avec des idées si
poussées écrivent des pièces à part entière, au lieu de vouloir à tout prix les
faire coïncider avec un texte donné. Splendeur visuelle donc, une mise en scène musicale qui
suit la partition jusque dans le choix des couleurs – mais surchargée d’images,
de personnages, de suggestions, fatigante pour l’œil, et à la longue pour l’esprit. L’on se demande
comment les chanteurs peuvent se concentrer et s’épanouir au milieu de ce beau
chaos, d’autant plus que la psychologie des personnages ne semble pas
intéresser le metteur en scène. Au moins, ainsi, les chanteurs ne sont pas
obligés de faire toutes sortes de choses étranges tout en chantant. Splendeur musicale sans équivoque : l’Orchestre de
l’Opéra National de Paris sous la baguette de Philippe Jordan sert la sublime
partition avec finesse, tout comme le Chœur. Ils couvrent un peu Faust au
début, jusqu’à ce que l’équilibre soit trouvé. Connaissant les qualités de
Jonas Kaufmann, qui donc est Faust ce soir, l’on peut se demander d’ailleurs si
cet effet n’est pas voulu. Car Kaufmann semble terne et effacé tout au long de
la première partie, avant de dévoiler avec son premier
« Margarita ! » tout l’éclat de sa voix, et à partir de là, il
est simplement sublime dans ses airs, captivant et fin acteur dans la
discrétion d’un personnage sans beaucoup de relief. Sophie Koch incarne
Marguerite, très touchante et convaincante avec sa voix chaude et ample. Son
air « D’amour l’ardente flamme… » est un instant de grâce totale,
d’autant plus qu’ici, la mise en scène rejoint la musique, formes, couleurs,
mouvements – ici, c’est un tout. Seulement pour ce moment, hélas… Bryn Terfel
est un Méphisto de rêve avec sa bonhomie doublée de perfidie diabolique. Les
trois voix sont merveilleuses aussi dans les ensembles. Ainsi, l’on sort de la salle, le cœur en joie par la
musique, l’esprit tourmenté par des questions. Dommage,
cela aurait pu être parfait.
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