Fotos: Wolfgang von
Hörsten
Suzanne Daumann
Entre Salzburg et
Bayreuth, dans la verde campagne de la Bavière, se trouve près de la petite
ville d’eaux de Bad Aibling, le château de Maxlrain. C’est ici, dans le manège
équestre, qu’une association très motivée organise chaque année des
représentations d’opéras qui n’ont rien à envier aux „vrais“ théâtres.Cette année donc, on y
donnait L’Elisir d’Amore. Le soir de la dernière, grâce à une météo très
perturbée, les températures dans la salle ne dépassent guère les 13°, et on se
demande comment les musiciens arrivent à jouer. Cependant, tout se déroule
parfaitement. La mise en scène de
Michael Stacheder transporte l’action dans la période d’après-guerre. La
joyeuse communauté de la ferme d’Adina devient ainsi un groupe de personnes
désillusionnées, et le soldat Belcore, joyeux en uniforme sexy dans
l’imagination du 19ème siècle, montre ici ses blessures, faisant penser aux
vétérans des guerres US-américaines depuis Vietnam jusqu’aujourd’hui. Une
scénographie sobre rappelle les installations de Joseph Beuys : quelques
chaises, cadres de fenȇtres appuyés à un mur, au milieu un vieux lavabo sur
pied, tout ceci renforce le sentiment de renouveau dans la désillusion. Un très bon cast, jeune,
motivé et plein d’entrain, habite cet univers et donne vie à l’envie de la vie
à travers l’amour. Doris S. Langara est
Adina. Avec une voix de soprano pleine et chaude, seulement troublée parfois
par un vibrato un peu genant, elle incarne avec brio cette jeune femme
tiraillée entre deux amours. Le baryton-basse Stephen
Barchi donne vie et voix au soldat Belcore. Une voix puissante et chaude, une
intonation parfaite, ainsi qu’un jeu juste et une belle présence scénique
permettent d’espérer une belle carrière pour ce jeune chanteur. Le charlatan
Dulcamara, normalement le seul rôle tout à fait buffo de l’opéra, est ici un
personnage tout aussi ambigu que tous les autres. Il est annoncé par une courte
musique de scène écrit pour l’occasion par le chef d’orchestre Richard van
Schoor, quelques mesures inquiétantes, qui laissent imaginer que ce n’est pas
forcément le bonheur total qui va arriver. Jens Olaf Müller chante ce Dulcamara
doux-amer avec beaucoup de conviction et d’énergie. Thomas Huber est un Nemorino
touchant. Son timbre légèrement granuleux rend son interprétation plus
convaincante encore. Dans cette mise en scène, le personnage de Giannetta est
très présent. Michael Stacheder lui a inventé un amour à sens unique pour
Belcore, exprimé par un jeu de scène qui dépasse ses interventions chantées.
Katharina Wittmann, soprano lumineuse pleine d’esprit, l’interprète avec
énergie et justesse. C’est le travail du chef
d’orchestre Richard van Schoor qui mérite des louanges particulières: avec un
orchestre constitué pour l’occasion, il obtient un son dense, détaillé et
étincelant, qui révèle toutes les beautés et le côté sombre de cette oeuvre.
Précis et plein d’énergie, il danse la partition, entrainant orchestre et
chanteurs si bien que finalement, tout se tient. Bravi tutti, merci pour
cette soirée!
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