Tuesday, August 1, 2017

Ambigu et élevé: L’Elisir d’Amore à Bad Aibling, le 25 juillet 2017

Fotos: Wolfgang von Hörsten

Suzanne Daumann

Entre Salzburg et Bayreuth, dans la verde campagne de la Bavière, se trouve près de la petite ville d’eaux de Bad Aibling, le château de Maxlrain. C’est ici, dans le manège équestre, qu’une association très motivée organise chaque année des représentations d’opéras qui n’ont rien à envier aux „vrais“ théâtres.Cette année donc, on y donnait L’Elisir d’Amore. Le soir de la dernière, grâce à une météo très perturbée, les températures dans la salle ne dépassent guère les 13°, et on se demande comment les musiciens arrivent à jouer. Cependant, tout se déroule parfaitement. La mise en scène de Michael Stacheder transporte l’action dans la période d’après-guerre. La joyeuse communauté de la ferme d’Adina devient ainsi un groupe de personnes désillusionnées, et le soldat Belcore, joyeux en uniforme sexy dans l’imagination du 19ème siècle, montre ici ses blessures, faisant penser aux vétérans des guerres US-américaines depuis Vietnam jusqu’aujourd’hui. Une scénographie sobre rappelle les installations de Joseph Beuys : quelques chaises, cadres de fenȇtres appuyés à un mur, au milieu un vieux lavabo sur pied, tout ceci renforce le sentiment de renouveau dans la désillusion. Un très bon cast, jeune, motivé et plein d’entrain, habite cet univers et donne vie à l’envie de la vie à travers l’amour. Doris S. Langara est Adina. Avec une voix de soprano pleine et chaude, seulement troublée parfois par un vibrato un peu genant, elle incarne avec brio cette jeune femme tiraillée entre deux amours. Le baryton-basse Stephen Barchi donne vie et voix au soldat Belcore. Une voix puissante et chaude, une intonation parfaite, ainsi qu’un jeu juste et une belle présence scénique permettent d’espérer une belle carrière pour ce jeune chanteur. Le charlatan Dulcamara, normalement le seul rôle tout à fait buffo de l’opéra, est ici un personnage tout aussi ambigu que tous les autres. Il est annoncé par une courte musique de scène écrit pour l’occasion par le chef d’orchestre Richard van Schoor, quelques mesures inquiétantes, qui laissent imaginer que ce n’est pas forcément le bonheur total qui va arriver. Jens Olaf Müller chante ce Dulcamara doux-amer avec beaucoup de conviction et d’énergie. Thomas Huber est un Nemorino touchant. Son timbre légèrement granuleux rend son interprétation plus convaincante encore. Dans cette mise en scène, le personnage de Giannetta est très présent. Michael Stacheder lui a inventé un amour à sens unique pour Belcore, exprimé par un jeu de scène qui dépasse ses interventions chantées. Katharina Wittmann, soprano lumineuse pleine d’esprit, l’interprète avec énergie et justesse.   C’est le travail du chef d’orchestre Richard van Schoor qui mérite des louanges particulières: avec un orchestre constitué pour l’occasion, il obtient un son dense, détaillé et étincelant, qui révèle toutes les beautés et le côté sombre de cette oeuvre. Précis et plein d’énergie, il danse la partition, entrainant orchestre et chanteurs si bien que finalement, tout se tient.  Bravi tutti, merci pour cette soirée! 

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