Suzanne Daumann
SD :Bonjour, et avant
tout merci de me recevoir. Damien Guillon, vous voulez bien me retracer votre
chemin professionnel jusqu’à cette résidence à l’Opéra de Rennes ?
DG : Volontiers. Je
suis, vous le savez peut-être, originaire de Rennes. J’ai donc commencé à
chanter à la Maîtrise de Bretagne. À l’époque, le collège de l’Adoration
proposait des horaires aménagés, si bien qu’on pouvait par exemple avoir une
répétition entre un cours de math et un cours d’anglais… On avait aussi un
concert pratiquement toutes les semaines. On a aussi participé à des concerts
avec d’autres ensembles et aussi à des productions de l’Opéra de Rennes, j’ai
par exemple chanté un des trois garçons dans la Flûte Enchantée.
SD : Et comment
avez-vous eu l’idée d’intégrer la Maîtrise ?
DG : Ma mère chantait
dans la chorale de l’église Notre Dame, et je venais souvent aux répétitions
avec elle. Le chef de chœur trouvait que j’avais une jolie voix et m’a donc
encouragé de tenter le concours d’entrée. En fait, j’ai toujours chanté, tout
petit déjà, cela m’est tout à fait naturel.
SD : Il y a donc une
audition pour intégrer une Maîtrise?
DG : Oui, cela se
passe comme ça. Ensuite, après le bac, j’ai continué mes études au Centre de la
Musique Baroque de Versailles. Là, c’était formidable, le Centre met à
disposition des salles de répétition aux ensembles qui se produisent dans les
spectacles, et nous, on avait droit d’assister à ces répétitions. J’ai ainsi pu
voir travailler tous les grands chefs de musique ancienne, Hervé Niquet,
Vincent Dumestre, Philippe Herreweghe.
SD : Vous aviez déjà
trouvé votre voix de contre-ténor ? Comment cela s’est-il passé?
DG : Oui, j’ai eu une
place d’alto. En fait, j’ai mué assez tôt, j’avais treize ans et j’étais
justement en train de répéter pour la Flûte Enchantée. Il y avait un autre
garçon qui a préparé le rôle, mais au final j’ai pu le chanter. Ensuite, j’ai
continué à chanter avec le chœur de la Maîtrise, avec les barytons, mais
j’avais gardé l’habitude d’utiliser assez facilement ma voix de tête et de
chanter assez haut. Et le chef de chœur m’a entendu et il a trouvé qu’il y
avait une voix d’alto à développer. J’ai donc intégré le Centre de Musique
Baroque de Versailles en tant qu’alto.
SD : Cela n’est pas
ouvert à tout le monde non plus, j’imagine, il doit y avoir des auditions
d’entrée?
DG : Effectivement.
En fait, il y a quinze étudiants sur trois années, et ce n’est que quand un
étudiant sort, que se libère une autre place. L’année où je suis rentré, il n’y
en avait qu’une… À Versailles, j’ai étudié le chant choral, mais aussi le
travail de soliste ; la plupart des gens à Versailles deviennent
choristes. Ensuite, j’ai étudié deux
ans à la Schola Cantorum de Bâle, auprès d’Andreas Scholl, et à force de
rencontres et par le bouche à oreille, j’ai eu mes premiers engagements de
soliste et tout est parti comme ça.
SD : Et donc
maintenant le Banquet Céleste. Comment est né cet ensemble ?
DG : La direction
d’orchestre m’a toujours intéressé, et avoir mon propre ensemble, cela a
toujours été un de mes rêves. Le Banquet Céleste s’est développé assez
naturellement. Au fil des ans, j’ai rencontré suffisamment de musiciens qui
m’ont dit de les appeler quand j’aurais besoin d’eux. On a commencé avec un
tout petit effectif de musique de chambre, et récemment, on a fait notre
premier opéra ici, Acis et Galathée de Händel, avec un effectif bien plus
conséquent.
SD : C’est donc un
ensemble assez variable?
DG : Oui, les
musiciens sont tous free-lance, et selon les besoins du programme, j’appelle
les musiciens dont j’ai besoin.
SD : Quand vous êtes
ici, à l’Opéra de Rennes, et vous voyez l’Orchestre Symphonique de Bretagne qui
répète ici, cela vous arrive d’être jaloux de leurs conditions de
travail ?
DG : rires Oui et non… Bien sûr, cela doit
être confortable, d’avoir une salle de répétition, un bureau administratif, une
certaine sécurité matérielle. Mais nous sommes libres de décider de notre
programme… Ce que je leur envie vraiment, c’est le temps de répétitions. Nous
devons parfois restreindre nos répétitions, parce que cela serait tout
simplement trop cher de faire venir tout l’ensemble pour trois jours avant une
représentation. Souvent, nous devons nous contenter d’un petit raccord dans la
salle avant le concert. Et il est vrai que nous sommes dans une certaine
précarité financière, nous devons chaque année prouver notre droit d’exister en
quelque sorte.
SD : La résidence
ici, à l’Opéra de Rennes, justement, cela vous apporte un peu plus de
confort?
DG : Oh, oui, pour
nous c’est très précieux. Nous avons, pour la première fois, une maison pour
ainsi dire. L’Opéra de Rennes met à notre disposition un bureau, des salles de
répétition et, grâce à la résidence de l’ensemble Mélisme(s), nous avons pu
créer ensemble un poste administratif, qui consiste en deux mi-temps. Et
L’Opéra de Rennes programme aussi nos spectacles, bien sûr, et Alain Surrans
nous est d’un précieux secours, il nous a ouvert bien des portes.
SD : Quels sont les
prochains projets ?
DG : En février, nous
allons enregistrer un CD avec des airs de Frescobaldi, des choses rarement
entendues, en petit effectif, et à l’automne nous allons donner ici
« Maddalena ai piedo di Cristo », de Caldara, et j’espère pouvoir
l’enregistrer aussi.
No comments:
Post a Comment
Note: Only a member of this blog may post a comment.