Foto: Schubertiade
Suzanne Daumann
Schubertiade
Schwarzenberg, ce ne sont pas seulement des concerts sublimes dans une salle
magnifique et une programmation unique au monde qui réunit en quelques semaines
les meilleurs artistes de leur temps, c’est aussi un cadre splendide – montagnes, forêts, ruisseaux… Tout ces
éléments si chers à Schubert qui sont présents dans son œuvre et le rendent si
présent ici. C’est l’hospitalité d’une population fière de son pays, de son
histoire, ses traditions, ses personnages et son développement. C’est un
ensemble merveilleux et périlleux car fort addictif. Une fois sur place, on est
perdu, et l’on revient toujours, ne serait-ce que pour deux jours et trois
concerts. Dernier concert
ce soir, avec Birgid Steinberger, soprano et Thomas E. Bauer, baryton, qui
remplacent Sarah Connolly, malade, et Markus Werba, pris ailleurs. Les deux
artistes, accompagnés par Julius Drake au piano, proposent un programme dédié à
l’année 1815. Chacun à son tour
et parfois ensemble, ils font émerger un portrait de Franz Schubert à dix-huit
ans, tantôt mélancolique, tantôt plein d’élans juvéniles et amoureux. Artistes
expérimentés, tous deux savent parfaitement rentrer dans l’ambiance spécifique
musicale de chaque lied, en souligner chaque nuance. Birgid Steinberger, avec
sa voix ronde et généreuse et son charme bien viennois, ravit dans des pièces
tel « An die Nachtigall » ou les pianissimos dans « Nähe des
Geliebten ». Tous deux sont simplement époustouflants dans le très
particulier « Cronnan », D 282, composé sur un des chants d’Ossian.
C’est un chant durchkomponiert, sur un texte sans rimes ni vers, Schubert est
ici bien en avance sur son temps. Les artistes récitent cette histoire avec une
telle intensité que l’on les suit dans la montagne Écossaise, le souffle coupé. Après l’entracte,
Thomas E. Bauer donne toute la mesure de son savoir-faire avec des bijoux tels
que « Skolie », « Die erste Liebe », « Das
Rosenband » et un lied plutôt humoristique, « Das gestörte
Glück », sur un texte de Theodor Körner, l’histoire d’un baiser jamais
reçu, car toujours interrompu. Il se termine sur la demande du chanteur que
quelqu’un lui donne ce baiser, et Birgid Steinberger ne se le laisse pas dire
deux fois, elle se lève et l’embrasse, à la surprise du chanteur et pour le
plus grand amusement du public. La soirée se
termine avec deux lieder interprétés encore par Birgid Steinberger, un autre
« An den Mond », D 193, sur un texte de Hölty, chanté par Thomas E.
Bauer, et un duo final, « Hektor’s Abschied », sur un texte de
Schiller. Une soirée
Schubertiade bien comme il faut, tout l’esprit de Vienne, toute la personnalité
du jeune Schubert est là ce soir, et le couple d’artistes termine en beauté
avec en bis et en duo « Heidenröslein ». Un lied peu amusant, en
principe, mais qui ce soir a droit à un traitement spécial et léger. Cela
aussi, c’est la Schubertiade.
No comments:
Post a Comment
Note: Only a member of this blog may post a comment.