Christian Gerhaher |
Suzanne Daumann
Pour le week-end Lieder dans le cadre de sa Biennale d’Art Vocal, la
Philharmonie de Paris a invité les meilleurs interprètes de notre temps : Ce soir, le baryton Christian Gerhaher, accompagné par Gerold Huber au
piano, propose un choix judicieux de lieder de Gustav Mahler :Cela commence par les « Lieder eines fahrenden Gesellen »
(« Chants d’un compagnon errant »), continue avec un choix de
« Des Knaben Wunderhorn », pour finir avec les
« Kindertotenlieder ». Les chants du compagnon errant mettent en scène un amant trahi. Le texte du
premier lied est tiré du « Wunderhorn », les autres sont de la plume
de Mahler. Avec sa voix au timbre clair et résonnant, qui a acquis ces dernières
années une chaleur et profondeur plus expressive, Christian Gerhaher sait
saisir chaque nuance, chaque contraste dont ces lieder sont particulièrement
riches. Mahler juxtapose souvent la beauté sereine de la nature, chants
d’oiseaux, fleurs et couleurs, aux sentiments du jeune homme désillusionné, et
Gerhaher le suit, souple et expressif. Les lieder tirés de « Des Knaben Wunderhorn », un recueil de
textes folkloriques, datant du Moyen Age jusqu’au 19ème siècle, sont
un mélange exquis de naïveté et subtilité. Ils racontent des histoires tantôt
souriantes, comme la « Légende Rhénane », ou « Pour rendre sage
les enfants méchants », tantôt très sombres, souvent illustrations de la
vie de soldat. Gerhaher tient parfaitement sur la corde raide entre beauté du
son et expressivité ; il exprime discrètement l’émotion des personnages,
sans jamais en faire trop. Il nous fait sourire, soupirer, réfléchir Le dernier lied dans cette partie « Wo die schönen Trompeten
blasen », « Là, où sonnent les belles trompettes », introduit
déjà le thème de la dernière – la mort. Les « Kindertotenlieder »,
« Chant des Enfants Morts », composés sur des textes de Friedrich
Rückert, dans lesquels il exprime sa douleur face au décès de deux de ses
enfants, est une des œuvres les plus poignantes dans le répertoire. Gerhaher les interprète avec suffisamment de retenue pour que leur contenu
se révèle pleinement, avec assez d’intensité pour que l’on soit saisi par la
profondeur des émotions exprimées. Dans le dernier lied, « Bei diesem
Wetter, bei diesem Braus », la tempête des émotions du père éploré cède
finalement à l’apaisement de l’acceptation. Le public, conquis, acclame les artistes et obtient un bis –
« Urlicht » clôturera ainsi cette soirée mémorable.
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