Friday, June 17, 2016

LIED • Marie-Claude Chappuis et Malcolm Martineau ont noué une gerbe de mélodies- Fribourg, Suisse

La quintessence de la poésie française

LIED • Marie-Claude Chappuis et Malcolm Martineau ont noué une gerbe de mélodies.

Déjà à l’écrit, les vers d’Apollinaire, Aragon, Hugo et Verlaine s’enfilent dans les pages du libretto comme autant de petites pièces d’orfèvrerie. Puis une voix passe par là. Les «r» se mettent à rouler, les voyelles à planer, les rimes à sonner... Mise en musique par des mélodistes d’exception, la poésie française a révélé sa quintessence à des auditeurs captivés, venus nombreux au temple de Fribourg jeudi. Laissant éclore tel un bourgeon la huitième édition du Festival du lied, la mezzo-soprano Marie-Claude Chappuis et le pianiste Malcolm Martineau ont formé un duo idéal dans ce répertoire.

Fauré est le premier compositeur abordé. D’emblée, les interprètes trouvent un équilibre entre naturel et profondeur. Portée par l’ivresse et la douceur de l’accompagnement, la voix donne vie aux mots, creuse leur sens, s’amuse avec les consonances. Du vibrato à la diction, chaque inflexion participera à la justesse de l’interprétation de la vingtaine de mélodies au menu.

Précédé d’un silence plein d’intériorité, «Après un rêve» s’éteint dans la torpeur et laisse place au ton guilleret des mélodies de Poulenc. Les pointes d’humour, soutenues par les regards rieurs des interprètes, ne manquent pas leur effet. Et ces regards, alliés aux gestes et postures expressives, rappellent que le lied n’a rien à envier à l’opéra: même sans décors, costumes et perruques, la chanteuse est une actrice et le poème une histoire.

Au fil des pages paganinesques ou plus recueillies, Malcolm Martineau s’impose comme un partenaire fiable et réactif. Attentif à chaque intention de la mezzo-soprano, il puise dans ses extraordinaires ressources pour préparer les transitions, souligner les contrastes et varier le tempo. Qu’il s’agisse de couronner «Fleur jetée» (Fauré) d’un grondement orageux, d’insuffler de l’espièglerie au récit «Nous voulons une petite sœur» (Poulenc) ou de mimer une grenouille de bronze (Satie), il tire sans hésiter le registre qui convient pour s’accorder à la voix de la cantatrice. Une belle complicité saluée par une salve d’applaudissements et plus d’un bouquet. I

Benjamin Ilschner
La Liberté 

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