La quintessence de la poésie française
LIED • Marie-Claude Chappuis et Malcolm
Martineau ont noué une gerbe de mélodies.
Déjà à l’écrit, les vers d’Apollinaire,
Aragon, Hugo et Verlaine s’enfilent dans les pages du libretto comme autant de
petites pièces d’orfèvrerie. Puis une voix passe par là. Les «r» se mettent
à rouler, les voyelles à planer, les rimes à sonner... Mise en musique par
des mélodistes d’exception, la poésie française a révélé sa quintessence
à des auditeurs captivés, venus nombreux au temple de Fribourg jeudi. Laissant
éclore tel un bourgeon la huitième édition du Festival du lied, la
mezzo-soprano Marie-Claude Chappuis et le pianiste Malcolm Martineau ont formé
un duo idéal dans ce répertoire.
Fauré est le premier compositeur abordé.
D’emblée, les interprètes trouvent un équilibre entre naturel et profondeur.
Portée par l’ivresse et la douceur de l’accompagnement, la voix donne vie aux
mots, creuse leur sens, s’amuse avec les consonances. Du vibrato à la diction,
chaque inflexion participera à la justesse de l’interprétation de la
vingtaine de mélodies au menu.
Précédé d’un silence plein
d’intériorité, «Après un rêve» s’éteint dans la torpeur et laisse place au
ton guilleret des mélodies de Poulenc. Les pointes d’humour, soutenues par les
regards rieurs des interprètes, ne manquent pas leur effet. Et ces regards,
alliés aux gestes et postures expressives, rappellent que le lied n’a rien à
envier à l’opéra: même sans décors, costumes et perruques, la chanteuse est
une actrice et le poème une histoire.
Au fil des pages paganinesques ou plus
recueillies, Malcolm Martineau s’impose comme un partenaire fiable et réactif.
Attentif à chaque intention de la mezzo-soprano, il puise dans ses extraordinaires
ressources pour préparer les transitions, souligner les contrastes et varier
le tempo. Qu’il s’agisse de couronner «Fleur jetée» (Fauré) d’un grondement
orageux, d’insuffler de l’espièglerie au récit «Nous voulons une petite sœur»
(Poulenc) ou de mimer une grenouille de bronze (Satie), il tire sans hésiter
le registre qui convient pour s’accorder à la voix de la cantatrice. Une belle
complicité saluée par une salve d’applaudissements et plus d’un bouquet. I
Benjamin Ilschner
La Liberté
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